Cette question a été soumise au Conseil d’Etat. Il y a répondu de manière extrêmement claire : une arme illégalement détenue peut être cédée, donnée ou reçue en héritage (arrêt du CE : Dinneweth, 1er septembre 2011, n°214.912,A.196.665/VII-38.091).
L’argumentation du Conseil d’Etat consiste en une série de rappels juridiques élémentaires à l’administration.
Premièrement, une distinction doit être faite entre le droit de détention et de propriété. Il n’existe aucune disposition légale permettant de soutenir que la perte du droit de détenir une arme emporte nécessairement la perte du droit de propriété sur cette arme. Même déchu de son droit de la détenir, le propriétaire d’une arme peut toujours la mettre en dépôt chez un armurier ou un collectionneur. Il reste également libre de la vendre ou de la donner.
Deuxièmement, la loi sur les armes et ses arrêtés d’exécution n’imposent que deux conditions pour qu’une cession d’arme soit valide. D’une part, l’acquéreur doit être autorisé à détenir l’arme. D’autre part, la cession de l’arme doit être constatée en rédigeant un modèle 9(*).
Dès lors que ces deux conditions soient remplies, l’administration doit enregistrer l’arme au nom de l’acquéreur. Elle ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation à cet égard.
Enfin, le Conseil d’Etat a également rappelé à l’administration l’élémentaire principe de séparation des pouvoirs.
L’administration est incompétente pour juger de la légalité d’une détention d’arme, ainsi que pour ordonner l’abandon d’une arme auprès de la police en vue de sa destruction. Ces pouvoirs appartiennent aux seuls tribunaux de l’ordre judiciaire, au terme d’un procès en bonne et due forme.
Cet arrêt du Conseil d’Etat date du 21 septembre 2011. A-t-il permis de régler la situation ?
Malheureusement, il n’en n’est rien. En dépit de cette jurisprudence extrêmement claire, confirmée à plusieurs reprises, l’administration persiste à considérer qu’une arme illégalement détenue ne peut être cédée. Sur cette base, elle refuse encore systématiquement d’enregistrer l’arme au nom de son acquéreur et lui ordonne de l’abandonner à la police pour qu’elle soit détruite.
Dans l’hypothèse où vous seriez confronté au problème, ne vous laissez pas faire !
Le Conseil d’Etat ne manquera pas de rétablir votre droit et de sanctionner, une nouvelle fois, la politique parfaitement abusive à laquelle l’administration se livre jusqu’à présent dans ce domaine.
Maître Michael HERBATSCHEK-Avocat aux barreaux de Bruxelles et Nivelles
Article paru dans la revue TIR – N°1 – année 2013
(*) Précision : La cession d’une arme à une personne visée à l’article 12,1°,2°,et 4°, de la loi sur les armes fait l’objet d’un modèle 9 conformément à l’arrêté royal du 20 septembre 1991 (art.25), exécutant la loi sur les armes.